Desserte maritime entre juillet 2007 et décembre 2013 entre le Port de Marseille et la Corse
La Cour administrative d’appel de Marseille condamne la collectivité de Corse à verser à la société Corsica Ferries France la somme de 86 304 183 euros en réparation du préjudice que celle-ci a subi du fait du subventionnement illégal apporté par la collectivité à la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM), entre juillet 2007 et décembre 2013.
Le contexte :
La SNCM et la Compagnie Méditerranéenne de Navigation (CMN) ont assuré, entre juillet 2007 et décembre 2013, la desserte maritime entre le port de Marseille et la Corse, dans le cadre d’une délégation de service public. La convention organisant cette délégation prévoyait un service permanent, ainsi qu’un service dit complémentaire pour le transport des passagers pendant les périodes de pointe. En contrepartie de ce service complémentaire, la collectivité territoriale de Corse a versé à la SNCM une compensation financière annuelle d’environ 40 millions d’euros.
La Commission européenne a considéré, en 2013, que les compensations financières versées par la collectivité territoriale de Corse au titre de ce service complémentaire étaient des aides publiques incompatibles avec la liberté de la concurrence dans le marché intérieur. Elle a ainsi ordonné en 2014 la restitution des aides illégalement versées.
La société Corsica Ferries France, estimant que ces aides avaient eu pour effet de détourner indûment une partie de sa clientèle, a demandé au juge administratif la condamnation de la collectivité territoriale de Corse à réparer son préjudice commercial. Par un jugement en date du 23 février 2017, le tribunal administratif de Bastia a condamné la collectivité territoriale de Corse à verser à la société Corsica Ferries France la somme de 84 362 593,12 euros. La collectivité de Corse a fait appel de cette décision.
Dans un arrêt avant dire droit du 12 février 2018, la Cour a admis le principe de la responsabilité de la collectivité de Corse à l’égard de la société Corsica Ferries France, dès lors que le service complémentaire, qui présentait un caractère structurellement déficitaire, n’aurait pu être institué sans subventionnement. Le service complémentaire a ainsi été directement à l’origine d’une perte de clientèle pour la société Corsica Ferries France et donc d’un manque à gagner. Toutefois, la Cour a estimé qu’elle ne disposait pas d’éléments suffisants pour établir le montant du préjudice subi et a ordonné une expertise économique et comptable à cette fin.
L’essentiel de la décision :
Le manque à gagner subi par la société Corsica Ferries France correspond au bénéfice net que lui auraient rapporté les passagers qui, en l’absence de service complémentaire subventionné, auraient choisi ses services. A partir des éléments fournis par l’expertise économique et comptable, la Cour a ainsi établi le manque à gagner de la société Corsica Ferries France à hauteur de 86 299 183 euros sur l’ensemble de la période. Elle a en outre condamné la collectivité de Corse à verser à la société Corsica Ferries France une indemnité de 5 000 euros au titre des préjudices annexes.
Précisions sur les modalités de calcul :
La Cour a, tout d’abord, estimé la part des passagers pris en charge dans le cadre du service complémentaire. Elle a considéré que, pour l’essentiel, cette part correspondait à l’activité de deux car-ferries de la SNCM.
Sur la clientèle de ces deux navires, la Cour a retenu un nombre de passagers correspondant aux parts de marché de la société Corsica Ferries France sur le transport maritime continent-Corse, constaté au cours de la période. Sur ce point, la Cour a estimé qu’au regard des besoins auxquels répondait le service complémentaire, les voyageurs ayant effectué une traversée par le port de Marseille auraient indifféremment voyagé par les ports de Toulon et subsidiairement de Nice.
La Cour a ensuite déterminé la part de cette clientèle potentielle que la société Corsica Ferries France aurait pu réellement prendre en charge, en fonction des places disponibles sur ses navires ayant effectué une liaison maritime équivalente le même jour depuis Toulon et Nice. Sur ce point, la Cour a écarté l’hypothèse d’une augmentation de l’offre de transport de la société Corsica Ferries France, soit par l’affrètement d’un navire supplémentaire, soit par l’augmentation des rotations des navires, dès lors qu’une telle hypothèse n’avait pas un caractère économiquement réaliste. Le surcroît de clientèle dont la société Corsica Ferries France aurait ainsi pu bénéficier a été évalué à hauteur de 1,3 million de passagers pour l’ensemble de la période.
Pour déterminer le bénéfice net qu’aurait tiré la société Corsica Ferries France de ce surcroit de clientèle, la Cour s’est fondée sur une évaluation des recettes et des charges supplémentaires qu’il aurait engendrées, à partir des éléments comptables recueillis lors des opérations d’expertise.